Je suis fatigué parce que je n'ai pas l'habitude de parler. Je m'assois un moment distraitement sur une chaise de la salle de télévision. Je m'assoupis bientôt, aidé en cela par le bruit continu du poste. Ensuite, je retourne dans ma chambre, puis aux lavabos pour faire ma lessive.
Un singe est là tout près de moi. Si je ne le quitte pas des yeux, il finira par se glisser à l'intérieur du mur. Mais j'ai l'impression qu'il est toujours là, tout près, alors je lui lance un regard si sévère qu'il disparaît en glissant sur le côté. Ce n'est pas grand-chose. Cela n'intervient pas particulièrement dans ma vie quotidienne et si je le garde pour moi, cela devient négligeable (…).
Cette nuit, j'ai eu une crise assez violente. Je me suis demandé si mes compagnons de chambre s'en étaient aperçus. Je crois que je suis resté immobile.
Un tambour japonais résonne dans le lointain. Cela commence toujours ainsi. C'est un bruit très léger, que je perçois ou non selon la direction du vent, mais une fois que je m'en suis rendu compte, je ne peux plus m'en détacher, il s'incruste dans mon oreille, comme le grondement qui rythme perpétuellement le monde. À force de revivre cette expérience depuis ma tendre enfance, dès que j'entends le son du tambour, je revois la lampe qui luisait faiblement au plafond de ma maison natale. Bientôt, couvert par le roulement du tambour, se manifeste un autre état.
Ce n'est pas bruyant. Le plafond et la faible lampe vacillent comme lors d'un tremblement de terre. Et pourtant, c'est bien un rythme qui ressemble aux pulsations saccadées de mon cœur, tout en étant quand même différent. Un métronome silencieux, quelque chose qui donne une impression de bruit, et le rythme est là, obsédant, qui s'accélère progressivement et qui s'intensifie.
Takehiro Irokawa, Le journal d'un fou (tr. Rose-Marie Fayolle)