La jeune femme poursuivit encore : « Sous la porte de la chambre où nous dormons à quatre femmes, filtre un rai de lumière ; la petite lampe accrochée au-dessus du lavabo du couloir est toujours allumée, jour et nuit ; c'est notre phare. Helen chaparde, Ursi geint, Monika pleure, et je me tais. Madame Scheidegger, qui dort dans une autre chambre de quatre, dit : “Pourquoi dois-je rester ici aussi longtemps ? Cela fait déjà dix ans que je suis là, mais je suis une femme.” Elle prononce ce “Je suis une femme” avec dignité, comme s'il n'y avait rien de plus à ajouter. Dans la maison, elle porte toujours un petit tablier jaune brodé. Les femmes vont se coucher à six heures, à sept heures elles dorment. À sept heures je lis dans mon lit. Une nuit plus tard, j'entends soudain une voix dans le noir : “Tu l'as signalé, qu'elle a lu au lit ?” L'autre ne l'a pas signalé. »
Adelheid Duvanel, « Rêves de fièvre », La correspondante (tr. Catherine Fagnot)