Qu’est-ce qu’il y a dans les lieux presque vides de matière ? Et d’où vient-il que le soleil et les planètes gravitent les uns vers les autres sans qu’il y ait de la matière dense entre eux ? D’où vient-il que la nature ne fait rien en vain, et d’où proviennent tout cet ordre et toute cette beauté que nous voyons dans le monde ? À quelle fin sont [créées] les comètes ? Et d’où vient-il que les planètes se meuvent toutes dans le même sens sur des orbes concentriques tandis que les comètes se meuvent de toutes sortes de manières sur des orbes très excentriques ? Et qu’est-ce qui empêche les étoiles fixes de tomber les unes sur les autres ? Comment les corps des animaux sont-ils arrivés à être construits avec tant d’art, et à quelles fins servent leurs parties différentes ? Est-ce que l’œil a été formé sans connaissance de l’optique – et l’oreille sans connaissance des sons ? Comment les mouvements des animaux suivent-ils de leur volonté et d’où vient l’instinct dans les animaux ? Est-ce que le sensorium des animaux n’est pas le lieu auquel est présente la substance sensitive, et dans lequel les espèces sensibles des choses sont portées par les nerfs et le cerveau afin qu’elles puissent y être perçues par leur présence immédiate à cette substance ? Et ces choses étant dûment considérées, n’apparaît-il pas des phénomènes qu’il y a un Être Incorporel, Vivant, Intelligent, Omniprésent qui dans l’espace infini, comme si c’était dans son sensorium, voit intimement les choses elles-mêmes et les perçoit parfaitement et les comprend entièrement par leur présence immédiate à lui-même ? Desquelles choses les images seulement, portées par les organes de sens dans nos petits sensoria y sont vues et aperçues par ce qui en nous perçoit et pense.
Isaac Newton, Optique (tr. Alexandre Koyré)