Il est huit heures et demie ; un poêle à gaz, des tulipes jaunes et rouges, tiens, un bonbon au chocolat de Tante Hes, trois pommes de pin de la lande de Laren, qui traî­nent du côté de Pouchkine et de la petite Marocaine. Je me sens toute simple, parfaitement simple et parfaitement bien, délivrée de toutes ces pensées profondes et torturan­tes, de tous ces sentiments lourds à porter, simple mais pleine de vie et d'une profondeur que je ressens aussi comme une chose simple. Poursuivons l'inventaire : une salade de saumon, prête pour ce soir. Je prépare le thé, Tante Hes tricote un gilet au crochet, Han répare un appa­reil photo – pourquoi pas, après tout ? Être entre ces qua­tre murs ou d'autres, quelle importance ?
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Bizarre, ce jasmin si tendre et si radieux au milieu de toute cette grisaille et de cette pénombre boueuse. Je ne comprends rien à ce jasmin. Mais tu n'as pas non plus à comprendre.
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Parfois j'ai peur d'appeler les choses par leur nom. Peut-être parce que, alors, il n'en reste plus rien ? Les choses doivent pouvoir supporter d'être appelées par leur nom.
Etty Hillesum, Une vie bouleversée (tr. Philippe Noble)