Il neige, il neige. Il neige tout ce que le ciel contient de neige, et c'est considérable. Sans arrêt, sans début et sans fin. Il n'y a plus de ciel, tout est chute de neige grise, blanche. Il n'y a plus d'air non plus, il est plein de neige. Il n'y a plus de terre non plus, elle est couverte de neige, et encore de neige. Toits, routes, arbres sont enveloppés de neige. Il neige sur tout, et c'est compréhensible, car quand il neige, la neige tombe sur tout, on l'aura compris, sans exception. Tout doit porter la neige, objets fixes et objets mobiles, par exemple les voitures, les meubles et les immeubles, les propriétés et tout ce qui est transportable, et les pieux, piquets et poteaux autant que les hommes qui marchent. Il ne reste pas le moindre recoin épargné par la neige, à l'exception de ce qui est dans des maisons, dans des tunnels et dans des grottes. Des forêts entières, des champs, des montagnes, des villes, des villages, des domaines sont enveloppés de neige. La neige tombe sur des États entiers, sur des budgets d'État. Seuls les lacs et les fleuves ne sont jamais enneigés. On ne peut pas couvrir un lac de neige du moment que l'eau, tout simplement, absorbe et avale la neige ; en revanche, dépotoirs, détritus, haillons, guenilles, rocs et rocailles ont fortement tendance à être recouverts de neige. Chiens, chats, pigeons, moineaux, vaches et chevaux sont couverts de neige, et de même, chapeaux, manteaux, robes, pantalons, chaussures et nez. Sur les cheveux des jolies femmes, il neige sans façon, et de même, sur les visages, les mains et les cils des mignons petits enfants qui vont à l'école. Tout ce qui marche, s'arrête, rampe, saute ou bondit est bien proprement couvert de neige.
Robert Walser, « Neiger » (tr. Marion Graf)