Dehors la pluie avait cessé. Il n'en restait qu'une vapeur dans l'air. Je pris le tournant et suivis la rue jusqu'à l'endroit où se dresse la maison de pierre brune. C'est une rue avec des arbres qui en été dessinent des ombres fraîches sur le trottoir. Mais en cette saison les feuilles avaient jauni et la plupart étaient tombées; la pluie les avait rendues glissantes et elles dérapaient sous les pieds. La maison brune est à mi-chemin du bloc, contre une église où l'horloge bleue du clocher sonne les heures. Une élégante porte noire a remplacé l'ancienne, en verre dépoli, et de distingués volets gris habillent les fenêtres. Aucun des locataires d'autrefois n'y habite encore, à l'exception de Mme Sapphia Spanella, chanteuse à la voix rauque, qui, chaque après-midi, allait patiner à roulettes dans Central Park. Je sais qu'elle est encore là parce que j'ai gravi les marches et inspecté les boîtes à lettres. C'est une de ces boîtes qui m'avait autrefois révélé Holly Golightly.
Truman Capote, Petit déjeuner chez Tiffany (tr. Germaine Beaumont)